En hommage à Guy Foissy
Ami
déclaré du théâtre amateur, joué depuis longtemps par de nombreuses
troupes et ateliers, Guy Foissy vient de nous quitter. Nous adressons
nos plus sincères condoléances à sa compagne et laissons à Jean-Paul
Alègre le soin dans les lignes qui suivent de rendre hommage à Guy.
Patrick Schoenstein
Président
Guy Foissy, grand
par le talent et par le cœur
Je lui disais souvent
: « Si j’écris du théâtre, c’est grâce
à toi ! ».
Il me répondait : «
Et bien, ça me fait plaisir, mon vieux…
», et ne manquait jamais d’ajouter : « Après tout, aucun être humain ne
peut
être tenu comme totalement responsable des catastrophes qu’il engendre
! ».
Tout Guy était là,
dans cet humour tendre et caustique, dans
cet art de la formule, dans ce don pour les pirouettes.
Sa dernière n’est pas
aussi drôle que les autres.
L’auteur mondialement
joué de « L’Art de la chute », n’a
rien trouvé de mieux que de s’effondrer dans le couloir qui le menait à
sa
consultation de cardiologie, le jour de son anniversaire !
La merveilleuse
comédienne Chantal Bouisson, qui partageait
sa vie de manière fusionnelle, et qui dirigea longtemps la compagnie
professionnelle
qu’il présidait, en convient, sourire au milieu des larmes, c’est une
sortie
digne de lui !
Digne de ses
nombreuses pièces, remarquablement écrites,
désespérées avec panache, féroces avec élégance, noires avec de
somptueuse
éclaircies.
Guy Foissy savait
appuyer là où la douleur est présente,
nous tendre un miroir impitoyable, mais il faisait toujours le pari de
l’humain.
Humaniste, oui.
Et dans ses œuvres,
et dans sa vie.
Il manifestait la
plus grande attention pour les centaines
de compagnies qui le jouaient et le rejouaient.
Quand il était
content, il le faisait savoir, quand il était
déçu il savait trouver les mots pour, quand même, toujours, encourager.
Il avait le don de
mettre sa vie en parfaite adéquation avec
ses convictions.
Je l’appelais
affectueusement « mon vieux maître », tant il
représentait pour nous un modèle, un repère…
Au Japon, le Théâtre
Guy Foissy, de Tokyo, ne jouait que ses
pièces, saison après saison. Il était sensible à cette reconnaissance
internationale mais manifestait la même joie quand nous découvrions
ensemble
une représentation chaleureuse et inattendue dans un tout petit village.
C’était un militant
des auteurs. Il a fait énormément pour
ses jeunes consœurs et confrères, attirant inlassablement l’attention
sur leurs
écritures.
J’ai eu le grand
plaisir de lui remettre le Grand Prix du
Théâtre de la SACD qui témoignait de cet engagement de tous les
instants.
C’était un partenaire
fidèle de la FNCTA.
Il essayait de se
rendre à toutes les invitations, et elles
étaient nombreuses.
Sa manière de
s’exprimer, dans les débats, douce et
faussement hésitante, précise et efficace, cachait une volonté acérée :
servir
le théâtre, et particulièrement celui des amateurs pour lequel il avait
un
grand respect.
Malheur alors à ceux
qui ne jouaient pas le jeu, qui
trichaient. Il devenait redoutable.
Un très grand auteur.
Une voix.
Un style.
Il me disait souvent
qu’il était amoureux de ses
personnages, même les moins défendables.
Ils lui survivront,
bien sûr, et continueront de porter sur
les planches cet univers unique dans le théâtre contemporain.
Lors d’un de mes
derniers entretiens avec lui, j’eus cet
échange typiquement foissyien :
-
Alors,
mon vieux maître, quoi de neuf ?
-
Oh, tu
sais, je m’achemine le plus lentement
possible vers la mort…
-
Arrête !
J’ai horreur quand tu dis ça !
-
Mais,
vois-tu, c’est une chose assez partagée, qui arrive à tout le monde,
finalement…
-
Tu as le
temps !
-
Sans
doute… il n’empêche que je sens comme un sentiment d’urgence !
Jean-Paul Alègre
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